Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/448

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blé représente à Manchester dix-huit ou vingt yards de cotonnade, il est obligé de se contenter d’un peu moins d’un seul yard, — 85 % du pouvoir-étoffe qu’avait son blé, ont été pris en route, comme sa contribution à la taxe supposée sur le pays, pouf l’entretien du mécanisme de ce libre-échange si admiré par les économistes.

Le pays qui exporte l’utilité du plus petit volume est le plus affranchi de la taxe épuisante de transport. Au Havre, — où il y a peu de chargements pour l’exportation et beaucoup de navires, — le fret pour l’exporter doit être généralement très-bas.

Le pays qui exporte les utilités les plus encombrantes, doit payer presque tout le coût de transport. S’il faut une vingtaine de navires pour transporter la quantité de bois, de blé, de matériaux pour la marine, de tabac, de coton, qui doit acheter un seul chargement d’étoffes, le fret d’exportation doit toujours être, ou à peu de chose près, ce qu’il faudrait payer pour le double voyage, — et chaque planteur sait, à ses dépens, combien le prix de son coton dépend du taux du fret.

S’il eût étudié ces faits avec soin, M. Chevalier en aurait probablement conclu que le système français tend à augmenter la quantité d’utilités produites et à élever leur prix, — que le système américain, au contraire, tend à diminuer la quantité et à avilir le prix. Après quoi, il lui serait difficile d’hésiter à admettre les grands avantages résultant, pour le fermier français, d’un système qui vise à créer un marché sur le lieu même, ou tout proche pour toute sa production.

M. Chevalier est zélé pour la liberté du commerce. Qui la possède ? — le fermier français, ou bien le fermier américain et le planteur ? L’un envoie ses subsistances transformées en soieries ou cotonnades à chaque partie du monde civilisé, — et cela directement, sans l’intervention de personne. L’autre, — n’ayant à vendre que des produits bruts, — doit aller à ces pays, et à ces pays uniquement, qui ont un outillage pour la transformation, il est autant esclave que l’autre est libre. Pourquoi cette différence ? Parce que la France est une disciple de Colbert, tandis que l’Amérique a suivi le conseil d’hommes qui enseignent qu’il faut favoriser le commerce par le bas prix du travail et des denrées premières de la terre, — ce qui aboutit au résultat d’une doctrine d’excès de po-