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L’Orient, dans les premiers âges, nous présente de pesantes caravanes traversant des contrées où abondent toutes les richesses métalliques de la terre, qui restent sans valeur. L’Afrique, à tous les âges, nous présente des files d’esclaves et des convois de chameaux chargés de poudre et d’ivoire, venant de contrées plus montagneuses et plus pauvres tandis que les sols les plus riches restent inoccupés et en friche. À Cuba, au Brésil, à la Caroline, la fortune du planteur a presque tout entière le caractère mobile ; — elle consiste en esclaves, en objets mobiliers et en produits bruts à différents degrés de préparation pour un marché lointain.

La première et la plus belle époque de l’Attique est marquée par une tendance chaque jour croissante à développer les richesses métalliques de la terre, d’où résulte la proportion décroissante du capital mobilier comparé au capital fixe. Plus tard, toutes les activités de la communauté s’adonnent à augmenter le nombre de vaisseaux, la quantité d’armes et autres objets de propriété mobilière — d’où résulte que l’homme retourne à l’esclavage et la valeur de la terre retombe à ce qu’elle était à l’époque la plus ancienne de la Grèce.

Aux premiers temps de l’Italie, la propriété principale de la Campagna (la campagne de Rome) consistait dans ses terres, son peuple était alors heureux et libre. De siècle en siècle l’aristocratie de la cité centrale s’engage dans la voie d’accroître la proportion du capital mobilier, jusqu’à ce qu’enfin les esclaves constituent à peu près tout le capital de la société — et la terre a perdu sa valeur.

Tyr et Carthage, Venise et Gênes consacrent leur activité à acquérir de la propriété mobilière ; et à mesure qu’elle s’accroît, le peuple est de plus en plus enchaîné et l’État va s’affaiblissant. L’Espagne a fait de même : chassant la population qui cultivait ses meilleures terres, elle a appliqué ses forces à créer des flottes, des armées, à avoir des armes, des canons, et pendant ce temps la terre a décliné au point de n’avoir presque plus de valeur.

De tous les pays de l’Europe, la France est certainement celui dont la politique durant une longue suite de siècles s’est montrée, la plus hostile à l’accroissement de la valeur de la terre, ou à la fixation du capital sous une forme quelconque. La preuve en est dans ce fait qu’au commencement du XVIIIe siècle le chiffre du