Page:Carmontelle - Proverbes dramatiques, Tome 1.djvu/122

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jour j’aurois pu cesser de l’aimer… cependant, il n’est que trop vrai !… est-elle moins belle, moins tendre ? non, voilà ce qui me désespère !… sur le point de l’épouser, rompre sans raison… Il le faut bien… je consens qu’elle me haïsse ; mais je ne veux pas que jamais elle puisse me mépriser. Que lui dire ? que je ne l’aime plus ? moi qui lui ai juré cent fois de ne vivre que pour elle, de l’adorer jusqu’au dernier soupir… Ah, quelle barbarie ! je pourrois me résoudre à lui plonger le poignard dans le sein, moi qu’elle aime, ah, que dis-je ? donc elle attend le bonheur de la vie ; je serois un montre !… mais si je lui écrivois ?… oui, si je rougis de mon indifférence, je ne dois pas rougir d’une action qui prouve l’honnêteté de mon ame. Il écrit. « Mon cœur m’avoit trompé, Madame. » Ô Ciel ! elle en mourra ! il écrit. « Si vous le voulez cependant, je tiendrai ma promesse, je ne peux pas être à une autre qu’à vous, je ne suis pas capable d’une pareille perfidie. Je perds bien plus que vous ; puisque rien ne pourra jamais me tenir lieu d’un amour qui m’étoit aussi précieux ». Donnons cette lettre à Henriette, & fuyons promptement. Il plie & cachete la lettre.