Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/135

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son de Bourbon. Déjà les mesures prises par M. de Corbière contre l’École normale avaient précipité dans l’opposition le grand corps universitaire, en même temps que les lois pénales édictées pour la protection des dogmes catholiques imprimaient aux controverses religieuses un caractère des plus alarmants. Enfin, le projet de répression préparé contre la presse périodique, qu’on appelait la loi d’amour, en abusant d’un mot de M. de Peyronnet, avait achevé de mettre sur le pied de guerre toute la partie intellectuelle du pays, à la tête de laquelle s’était placée l’Académie française par une délibération solennelle. La seule force morale qui restât encore en 1829 à la vieille royauté était donc celle que lui avait si heureusement rendue, depuis dix-huit mois, le ministère de conciliation dont la nomination était envisagée par tous les esprits sagaces comme la dernière chance de salut pour la monarchie. Cette salutaire expérience pouvait être continuée sans nulle difficulté, le pays persistant à donner à cette administration la confiance que lui refusait le monarque, confiance qu’elle commençait à perdre au sein de la Chambre, par l’effet de cette fatale situation.

La période de 1828 à 1830, qui a laissé dans notre histoire avec un précieux souvenir d’apaisement une sorte d’éclat lumineux, fut surtout remarquable par l’étroite association des jouissances littéraires aux plus graves préoccupations politiques. L’expression la plus complète de ce double mouvement d’esprit se rencontrait dans l’orateur en qui se personnifiait un cabinet dont le dévouement modeste ne voulait pas laisser