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Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/149

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ses créations littéraires. Ils avaient pu voir quels dédains inspiraient à l’Allemagne l’érudition de pacotille de l’Encyclopédie et toute notre école sensualiste, depuis le baron d’Holbach jusqu’à l’abbé de Condillac ; ils avaient appris combien tout cela tenait peu de place pour l’Angleterre, en face de la doctrine psychologique professée par les philosophes d’Édimbourg. L’auteur du Dictionnaire philosophique cessa, pour ces jeunes et courageux écrivains, de compter au nombre des penseurs. Ils concoururent donc des premiers au renversement du dieu dont Paris a relevé la statue entre les hontes de l’invasion et les saturnales de l’anarchie. La déchéance de l’école de Voltaire au théâtre comme dans l’histoire, une disposition constante à débattre gravement les choses graves, tels étaient les services rendus à la raison comme à la conscience publique par une école où régnaient au même degré et la droiture de l’intention et la confiance naturelle à la jeunesse.

Mais s’il était facile au Globe de proclamer qu’après les stériles efforts du dix-huitième siècle, la science tout entière restait encore à faire, la position de ce recueil devenait beaucoup plus délicate chaque fois qu’il s’agissait de poser les bases de l’édifice dont l’érection prochaine était chaque jour annoncée. Sa rédaction philosophique subissait en effet l’action de deux courants opposés, l’un poussant vers la haute mer de l’ontologie, l’autre retenant prudemment sur la rive ; et la mieux représentée des deux écoles dans le Globe ne voulant reconnaître à la science que le droit strict d’observer les phénomènes, y combattait avec persé-