lure blonde, dont la parole lente et douce contrastait parfois avec les éclats d’un rire formidable. Son frais visage, qui ne laissait pas entrevoir de prime abord le foyer des dons divins, rappelait assez la figure de ces étudiants d’université tour à tour joyeux et rêveurs, qu’on voit dans les romans d’outre-Rhin, l’œil en arrêt sur les étoiles. C’était M. Charles de Montalembert, fils d’une mère anglaise et de l’ancien ministre de Franco à Stockholm. Il n’avait pas encore vingt ans, et arrivait d’Irlande où ; il avait assisté aux grandes luttes qui préparèrent l’émancipation catholique. Il nous apportait un travail où ces scènes populaires étaient décrites avec le feu d’une âme débordant d’enthousiasme et de foi. Un long cri de joie accueillit ce début si plein de promesses, et je ne crois pas me tromper en affirmant que dès ce jour j’entrevis quelque chose de l’avenir réservé à ce brillant jeune homme. Toutefois, quelque attrait qu’il m’inspirât, et quoiqu’il voulût bien nous donner alors sans réserve la promesse de son concours, j’éprouvai plus de regret que de surprise lorsqu’il abandonna trois mois plus tard le Correspondant pour concourir à la rédaction de l’Avenir.
Ayant le goût de la lutte au moins autant que le souci de la victoire, M. de Montalembert donnait à ses opinions, presque toujours modérées quant au fond, une forme agressive qui semblait en altérer la nature. Il se défendait de la mesure avec autant de soin que nous en mettions à nous défendre de la violence. « Vous êtes trop vieux ; me disait-il un jour avec l’air mutin d’un charmant enfant gâté, à vingt-cinq ans