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Mardi 8e journée, 11 Aout 1914

Je ne voudrais songer à plus rien, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit ! Ai-je peur de la mort ? Ah non ! Je la verrai à deux pas que je ne bougerai pas. Mais alors pourquoi hésiter à marcher carrément, aller tuer des hommes comme moi, des pères de famille qui marche par la force. Est-ce digne d’un homme ? Sommes nous sur la terre pour nous tuer ou s’entraider ? Je ne veux pas réfléchir. On part 5 heures de Joubert pour où, personne ne le sais, on passe Tournus, Chalon, Allerey, Seurre, St Jean de Losne, où l’on nous a donné un café au rhum, pourquoi faire, je n’ose le dire. Gray, Vesoul, Verreux, on nous débarque à St Loup à 50 km d’Epinal. On doit y cantonner, le 256 arrivé une heure après se met à notre place, il est minuit et demie on nous envoie à Flagerolles[1] à 2 heures de chemin à pied, quand le cantonnement est fait il fait jour, on fait le café et comme repos on s’appuie la garde.

Pauvre France, pauvre humain.

Pauvre petits soldats, ou serais je demain ?

  1. En fait Fougerolles