Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/113

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main. Il allait arriver au village quand, en passant près d’un calvaire placé à un carrefour, il se vit entouré par des milliers de fantômes revêtus de leurs suaires. Les revenants se prirent par la main et se mirent à danser autour du paysan, qui, plus mort que vif, s’était assis sur la pierre soutenant la croix. L’homme distingua avec terreur les spectres de son père, de son aïeul et de l’un de ses frères — tous morts dans l’année — au milieu de la bande nombreuse de revenants qui dansait autour de lui.

Tout à coup, l’un des fantômes s’approcha du vivant et lui dit de le conduire avec ses compagnons à l’église du village, de prévenir le curé et de lui faire dire, cette nuit même, une messe pour le repos de leurs âmes.

— « Tous ceux qui sont ici, continua le revenant, sont ceux pour lesquels on n’a point fait dire la messe des trépassés qu’on leur avait promise. Car sans cette messe il nous est impossible d’entrer dans le paradis. Nous devons attendre qu’un vivant nous conduise à l’église du village pour y faire dire la messe, et, bien que chaque mois nous nous réunissions à ce carrefour pour trouver cet homme, nous n’en avons pas encore rencontré