Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/135

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enfoncée sous le manteau de la cheminée, le coude appuyé sur son genou, dans sa première attitude de tristesse non encore révoltée, mais prête à l’être au premier signal de la passion ; en face d’elle, ce Ralph, fixe et pétrifié, comme s’il craignait de déranger l’immobilité de la scène, de même que dans tout le roman il craindra de troubler les événements par sa modeste personnalité, jusqu’à ce que les événements lui imposent un rôle d’héroïsme qui le trouvera prêt : n’y a-t-il pas dans chacun de ces traits comme une expérience personnelle, une impression de vie réelle, une préparation des destinées qui vont s’accomplir ? Combien elle est curieuse aussi, dans une autre œuvre, voisine de celle-ci par la date, la psychologie d’André, avec cette sensibilité naïve, emportée en dedans, craintive au dehors, avec cette tendresse de cœur qui le rendait presque repentant devant les reproches, même injustes ! Ce sont là d’admirables études de caractères. L’insurmontable langueur de ce personnage, cette inertie triste et molle, l’effroi des récriminations, cette avidité vague et fébrile de l’inconnu, tout cela ne fait-il pas de lui la victime inévitable du conflit qui va briser sa vie entre le marquis de Morand, son père, un tyran sans mauvaise humeur, un joyeux et loyal butor, et sa maîtresse, Geneviève, une pauvre fleuriste qui prendra tout ce cœur déshérité et qui mourra de cet amour ! Pas une page ici, pas une ligne qui ne soit du roman expérimental, sauf la poésie, qui transfigure