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Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/139

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marque l’âge d’une génération et la date d’un livre ; il se reconnaît à la manière d’aimer (surtout à la façon de dire que l’on aime), à la manière de concevoir et d’imaginer les événements, à la manière plus ou moins agitée et surexcitée d’écrire. Un maître de la critique, M. Brunetière, a marqué fortement ces traits : « … Cette façon forcenée d’aimer fut celle de toute la génération romantique. Tout le monde n’aime pas de la même manière, et chacun a la sienne ; mais les romantiques ont aimé comme personne avant eux n’avait fait, ni depuis… Certes, Indiana, Valentine, Lélia même et Jacques sont de curieuses études de l’amour romantique. George Sand, selon son instinct, n’a pris, dans la réalité, qu’un point de départ ou d’appui, qu’elle quitte aussitôt pour revenir au rêve intérieur de son imagination… Il y a dans ces romans une partie romanesque et sentimentale qui a étrangement vieilli[1]. »

Prenons, dès les débuts, deux des œuvres les plus célèbres, Valentine et Mauprat, et voyons comment ce jugement se vérifie, et aussi comment le pronostic se réalise. Dans chacune d’elles il y a une matière riche, neuve, variée, d’invention naturelle, et aussi semblable au vrai qu’il est possible, mêlée bientôt à des exagérations de caractères ou de détails qui étonnent ou révoltent l’imagination la plus docile et la plus crédule. Que la ravissante Edmée aime son cousin Bernard, qu’elle l’ait aimé dès sa rencontre

  1. Revue des Deux Mondes, Revue littéraire, 1er janvier 1887.