Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/163

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imposé comme l’aliment principal de leur intelligence. On peut dire que, pour beaucoup, il est devenu la littérature unique.

C’est ici que se place naturellement un vœu, une espérance, si l’on aime mieux, en faveur de la renaissance de George Sand, comme un des maîtres injustement oubliés. Si l’on rêve pour le roman d’être autre chose que la distraction abaissée d’une intelligence en détresse, l’élément d’une curiosité vulgaire, s’il doit, comme les autres formes de l’art, racheter sa souveraineté par une fin élevée, la justifier, avoir un but, en un mot, ne serait-ce pas à la condition qu’il mît un peu d’idéal dans cette pauvre vie, si agitée en apparence, si surexcitée au dehors, bruyante à la surface, au dedans si terne et si morne ? Ne serait-ce pas aller contre ce but que de proscrire cet idéal de la vie factice qui se joue devant notre imagination, comme on le proscrit avec tant de soin de la vie réelle ? Et quel art est-ce donc, si c’en est un, de nous donner dans une succession de types avilis, de situations tour à tour ternes et violentes, de scènes triviales, de scandales odieux ou mesquins, sous prétexte d’études de mœurs, la représentation des réalités qui obsèdent notre vie de chaque jour, qui occupent et poursuivent nos regards ? Il semble que le vice incurable du roman ainsi compris soit la négation même de sa fin légitime, qui est de relever l’homme, un instant, de toutes les tristesses et des misères, des trivialités et des ennuis de la vie quotidienne, de lui donner, pour quelques heures, l’illusion