Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/179

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serviteur ! il n’y avait plus personne. George Sand était aussi absent de lui-même que s’il fût passé à l’état de fossile. Pas une idée d’abord, et puis, les idées revenues, pas moyen d’écrire un mot. » Dans un accès de désespoir, elle prit un ou deux romans d’elle. D’abord elle ne comprenait rien du tout. « Peu à peu ça s’est éclairci. Je me suis reconnue, dans mes qualités et mes défauts, et j’ai repris possession de mon moi littéraire. À présent, c’est fini, en voilà pour longtemps à ne pas me relire. »

Elle avait une sorte de modestie très particulière ; elle était homme de lettres sans en avoir le principal défaut, la préoccupation dominante de soi-même et l’idée fixe de ses œuvres. Elle était sensible à l’éloge et ne laissait pas de connaître sa valeur ; mais c’était le don de produire qu’elle estimait chez elle plutôt que telle ou telle œuvre. Elle ne ramenait jamais d’elle-même le nom d’un de ses romans, et quand ce nom revenait, elle ne s’en souvenait que confusément. J’ai rarement vu à ce point le détachement d’un auteur ; il m’arriva plusieurs fois de l’étonner par la fidélité de ma mémoire, moins ingrate que la sienne pour tant d’œuvres charmantes et passionnées.

Au fond, j’ose à peine le dire, tant ce mot est décrié par l’école des artistes raffinés, c’était une bourgeoise. Elle en avait les habitudes, les instincts, particulièrement celui de la maternité, qui était à l’état de prédestination chez elle, bien que souvent mal appliqué et détourné de son but. C’était une âme