Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/187

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férocités de caractère tout à fait fantastiques. » Elle tenait beaucoup à ce que l’on détruisît, dans l’opinion publique, la légende d’autrefois. « On m’a accusée de n’avoir pas su aimer passionnément. Il me semble que j’ai vécu de tendresse et qu’on pouvait bien s’en contenter. À présent, Dieu merci, on ne m’en demande pas davantage, et ceux qui veulent bien m’aimer, malgré le manque d’éclat de ma vie et de mon esprit, ne se plaignent pas de moi. »

Elle me disait à peu près la même chose, en termes fort simples. En abrégeant cette lettre biographique, il me semble que je reproduis quelques traits de sa conversation. Elle écrivait facilement, disait-elle, et avec plaisir, c’était sa récréation ; car la correspondance était énorme, et c’était là le travail. Si encore on n’avait à écrire qu’à ses amis ! Mais elle était assaillie. « Que de demandes touchantes ou saugrenues ! Toutes les fois que je ne peux rien, je ne réponds rien. Quelques-unes méritent que l’on essaye, même avec peu d’espoir de réussir. Il faut alors répondre qu’on essayera… J’espère, après ma mort, aller dans une planète où l’on ne saura ni lire ni écrire. » Chacun fait à sa manière l’image de son Paradis. Elle avait tant écrit pendant sa vie qu’elle voulait se reposer d’écrire toute l’éternité. Et de fait elle était l’obligeance même, mais sans banalité. Il est impossible de n’être pas touché, en parcourant cette vaste correspondance, de la bienveillance, je dirai même de la charité d’âme et d’art avec laquelle cette femme supérieure se met à la