Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/63

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qui s’y dépensent, n’éprouverai-je aucune déconvenue ? Certes je ne suis pas assez sottement empressé de prouver ma critique, pour discuter l’étonnante fécondité d’invention, la curiosité, la passion répandues dans tout ce roman et même dans la première partie de la Comtesse de Rudolstadt, qui en est la suite. Mme Sand, comme elle l’avoue, sentait là un beau sujet, des types puissants, une époque et des pays semés d’accidents historiques, dont le côté intime était précieux à explorer, et à travers lesquels son imagination se promenait avec une émotion croissante, à mesure qu’elle avançait au hasard, toujours frappée et tentée par des horizons nouveaux. Des lectures récentes qui avaient vivement saisi son esprit mobile l’attiraient à cette entreprise singulière et complexe, en lui faisant pressentir tout ce que le XVIIIe siècle offre d’intérêt sous le rapport de l’art, de la philosophie et du merveilleux, trois éléments produits par ce siècle d’une façon très hétérogène en apparence, et dont le lien était cependant curieux à établir sans trop de fantaisie. Siècle de Marie-Thérèse et de Frédéric II, de Voltaire et de Cagliostro : siècle étrange qui commence par des chansons, se développe dans des conspirations bizarres, et aboutit par des idées profondes à des révolutions formidables ! Je reconnais volontiers, avec Mme Sand, la grandeur du sujet, et, plus libéral qu’elle envers elle-même, je reconnais qu’elle en a tiré le plus souvent un grand parti, par l’intérêt de l’intrigue, le charme étrange de certaines situations,