Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/71

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nos jours, plus faible et plus sensible, l’artiste, qui n’est que le reflet et l’écho d’une génération assez semblable à lui, éprouve le besoin impérieux de détourner la vue et de distraire l’imagination, en se reportant vers un idéal de calme, d’innocence et de rêverie. Dans les temps où le mal vient de ce que les hommes se méconnaissent et se détestent, la mission de l’artiste est de célébrer la douceur, la confiance, l’amitié, et de rappeler ainsi aux hommes endurcis ou découragés que les mœurs pures, les sentiments tendres et l’équité primitive sont ou peuvent être encore de ce monde. Les allusions directes aux malheurs présents, l’appel aux passions qui fermentent, ce n’est point là le chemin du salut ; mieux vaut une douce chanson, un son de pipeau rustique, un conte pour endormir les petits enfants sans frayeur et sans souffrance, que le spectacle des maux réels, renforcés et rembrunis encore par les couleurs de la fiction. » Ces lignes sont écrites au devant de la Petite Fadette, comme un adieu à la politique orageuse et un engagement, pris à demi-voix, de s’en tenir désormais à des rêves plus doux. La Petite Fadette fut le premier gage de la réconciliation de Mme Sand avec son génie. Dans ces années inquiètes, dans ces heures incertaines dont chacune apportait un péril ou une menace, une discorde nouvelle entre les chefs des partis et un frémissement des masses, avec quelle joie on échappait aux anxiétés de cette vie précaire en suivant Mme Sand dans les traînes fleuries, vers la rivière