Page:Caro - George Sand, 1887.djvu/95

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pour l’imagination, que je n’hésite pas à juger Pulchérie, la prêtresse du plaisir, moins impudique dans ses ivresses, que cette sublime Lélia dans les hallucinations de sa cynique chasteté. Les nobles idées elles-mêmes qui se présentent au milieu de ce délire ne font qu’en aggraver l’étrange abandon. « Comme ton cœur bat rude et violent dans ta poitrine, jeune homme ! C’est bien, mon enfant ; mais ce cœur renferme-t-il le germe de quelque mâle vertu ? Traversera-t-il la vie sans se corrompre ou sans se sécher ?… Tu souris, mon gracieux poète, endors-toi ainsi. » Je ne peux souffrir cette sollicitude pour la vertu future de Sténio en un pareil moment. Lélia proteste en vain contre nos soupçons. En vain elle déclare qu’elle se complaît dans la beauté de Sténio avec une candeur, une puérilité maternelle. Je me défie malgré moi de ces candeurs et de ces maternités factices.

Une des conséquences de la théorie sur l’origine providentielle de la passion est cet axiome romanesque, que l’amour égalise les rangs. C’est la société seule qui fait les castes. Dieu n’est pour rien dans nos puériles combinaisons. D’où il faut conclure que, dans ce travail providentiel qui prédestine les âmes les unes aux autres, il n’est tenu aucun compte des degrés de la hiérarchie sociale où le hasard et le préjugé distribueront ces âmes à leur entrée dans la vie. Il y a égalité devant Dieu, il y aura égalité dans l’amour, qui est son œuvre. Et l’on verra toutes ces nobles héroïnes, Valentine de Raimbault, Marcelle de