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rendons aux bords du Saint-Maurice. Des coups de fusil retentissent ; c’est le prélude d’un concert qui va se continuer pendant toute la visite : le long du Saint-Maurice, c’est comme dans les camps militaires, chacun a son fusil, et pour exprimer de la joie, pour honorer un personnage, il faut brûler un peu de poudre. Une petite flottille, toute pavoisée, nous attend depuis plusieurs heures ; il y a une grande barge pour Monseigneur et sa suite, et il y a trois canots d’écorce qui devront faire cortège. Dans chaque canot se trouve un fusil qui ne restera pas muet ; c’est jour de fête.

Les barges du Saint-Maurice sont des espèces de grands canots, effilés des deux bouts, avec fond plat, mais de peu de largeur. C’est la nacelle qu’il faut ici, car en bien des endroits le fleuve n’a pas de profondeur.

Deux hommes robustes et bien plantés, deux braves canadiens comme le Saint-Maurice en fournit un grand nombre, sont à l’avant de notre barge. Ils sont armés de longues perches ; car c’est de règle : le Saint-Maurice se remonte à la perche et se descend à la rame. Un troisième brave est au gouvernail, et ces trois hommes vont nous conduire rapidement et sûrement à la Mékinac, premier poste que nous allons visiter. Mékinac est un mot de langue algonquine, mikinak, qui veut dire tortue ; on pense que ce nom fut donné à cause d’une montagne qui a plus ou moins la forme d’une tortue.

Nous passons à travers une quantité considérable de bois flotté : l’un de nos canotiers court pendant quelque temps sur les estacades en tirant notre barge ; puis les perches font vaillamment leur office.

Alors Monseigneur, de sa voix nette et sonore, entonne l’Ave maris stella. Oui, salut Étoile de la mer ! salut douce Mère de Dieu ! conduis-nous sûrement sur les ondes, et donne-nous la paix pendant notre voyage.

Funda nos in pace,
Mutans Evæ nomen.

Nous avons à gauche l’île aux Fraises, qui paraît presque au niveau de l’eau, et à notre droite la mon-