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pieds de l’évêque. Monseigneur bénit cette intéressante famille, mais il a une bénédiction particulière et des paroles de consolation pour la pauvre malade, qui remercie les larmes aux yeux.

Nous continuons notre route, et bientôt M. le curé Gravel nous annonce que nous entrons dans la mission de la Mékinac. Monseigneur entonne alors Esprit-Saint, descendez en nous ; tout le monde répète avec entrain et avec émotion le premier couplet qui sert de refrain, et nous espérons que l’Esprit de Dieu aura écouté cette prière qui partait du fond de nos cœurs.

Des pavillons français flottent à peu près à chaque maison, et on nous salue par des détonations que les montagnes répètent en les multipliant. S’il y a de longs espaces sans maison, c’est dans les canots qui nous suivent que commencent les décharges d’armes à feu, afin d’avertir les habitants de notre approche. Quand notre barge passe vis-à-vis une maison, nous voyons toute la famille se mettre à genoux, la mère portant généralement le plus jeune dans ses bras, et Monseigneur les bénit de loin. Ceux qui ne sont pas rendus à la mission se mettent pour la plupart à notre suite, souvent avec toute leur famille : nous avions bientôt après nous onze canots d’écorce, tous pavoisés et chargés de monde.

Auprès d’une maison pauvre et solitaire, un homme nous attend pour nous souhaiter la bienvenue : c’est un Paganini rustique, il tient son violon à la main. Dès qu’il nous aperçoit, il se rend au bord de la rivière et se met à jouer. Tant que nous sommes en vue, il joue avec un courage digne de tout éloge.

L’action de cet homme peut vous faire sourire, cher lecteur, mais pour nous, nous en fûmes singulièrement touché. Ce que ce musicien des montagnes peut faire de plus beau, c’est avec son violon qu’il le fait ; il est donc venu avec l’instrument de sa gloire, et il a rempli l’air des notes les plus harmonieuses. Nous l’avons peu entendu, il est vrai, mais l’intention d’honorer l’évêque du mieux possible était évidente : que cet homme soit donc béni de sa bonne action.

Cependant nous nous apercevons que nos cano-