Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LE PORTAGE ET LE DÎNER

Tout vaisseau qui descend ou qui remonte le Saint-Maurice doit faire portage à Chawinigane. En contournant la pointe de rocher qui est à notre droite, nous aurions un beau chemin, c’est le portage ordinairement suivi ; mais j’avais dit à mon guide que j’aimais à passer par le portage des Prêtres, c’est-à-dire à traverser le rocher tout droit ; il ne se fit pas prier, et partit dans cette direction.

Ce portage est un peu rude, mais c’est le portage des anciens missionnaires, de là le nom qu’il porte ; il est encore bien tracé, quoique bien peu de personnes s’y aventurent aujourd’hui.

M. Maurice, son canot sur la tête, prit la droite, en s’accrochant aux branches pour grimper ; moi je me lançai au milieu de l’ancien chemin. Je cherchais la trace des anciens missionnaires ; j’étais ému, et j’avais envie de baiser cette terre sanctifiée par les pieds des martyrs. J’avais à peine fait vingt pas en gravissant la pente, que les deux pieds me glissèrent tout à coup, et il me fallut faire un effort terrible pour m’empêcher de tomber à plat ventre. La pluie de la veille avait détrempé la terre, et le vent qui soufflait n’avait encore séché que la surface ; j’avais donc été trompé par l’apparence du sol.

Dans mes contorsions de circonstance, je me fis beaucoup de mal aux jambes, à tel point que je craignais de ne pouvoir aller plus loin sans le secours de mon guide. Cependant, après quelques instants de