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même c’étaient deux choses bien surprenantes chez un homme de son caractère. Il n’y avait pas à comprendre cet homme-là. Le diable semblait le suivre partout pour le taquiner. Un jour, il se faisait mener par un charretier des Trois-Rivières ; comme ils arrivaient à la Pointe-au-Diable, le cheval s’arrête tout-à-coup, et impossible de le faire repartir. Tassé ne fait ni un ni deux, il débarque, fait quelques pas, et se met à s’entretenir avec un personnage invisible. Le charretier entendait bien deux voix différentes, il s’apercevait que la dispute était extrêmement vive, cependant il ne voyait que Tassé. La frayeur le saisit, mais que faire ? Le cheval ne voulait point marcher. Après s’être ainsi chicané longtemps avec on devine qui, Tassé revint à la voiture et dit au charretier : « ça va aller, maintenant. » En effet, le cheval partit, et on se rendit sans entraves aux Forges.

Un autre fois il revenait de la Pointe-du-Lac et se faisait conduire par un habitant de la place. C’était en hiver et sur un beau chemin de glace. Tout-à-coup le cheval se met au pas, et commence à tirer sur le bout de la corne, comme s’il y avait eu dix hommes d’accrochés à la carriole. Il y a quelque chose sous les lisses, dit le maître du cheval ; on débarque, on examine, il n’y avait rien. On part ; c’était encore la même chose. « Je vois bien ce que c’est, moi, » dit alors Édouard Tassé ; et, mettant la main dans sa poche, il en tire une poignée de copes qu’il jette dans la neige. Il sembla que la carriole retombait sur le chemin, on entendit un bruit sec, pan ! et le cheval partit aussitôt grand train. Notre habitant se rendit aux Vieilles Forges, et il jura alors ses grands dieux que jamais Édouard Tassé ne mettrait le pied dans sa voiture.

Mais ce qui contribua le plus à faire la mauvaise renommée d’Édouard Tassé, c’est la bataille en règle qu’il eut un soir avec le diable.

Il en avait averti d’avance les gens de la maison où il se trouvait, et leur avait bien défendu de sortir, quels que fussent les cris qu’ils entendraient. Vers huit heures, en effet, une voix appela Tassé ; il sortit aussitôt, et la bataille commença. Les coups retentis-