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entendu chanter la chanson de la Belle Françoise d’un bout à l’autre. Dans les chansonniers, le dernier couplet se lit ordinairement comme suit :

Ceux qui vous l’ont dit, belle, lon, gai,
Ceux qui vous l’ont dit, belle,
Ont dit la vérité, ma luron, lurette,
Ont dit la vérité, ma luron, luré,

et les chanteurs canadiens ont l’habitude de terminer aussi la chanson en cet endroit. Nous avons toujours trouvé qu’elle finissait ainsi d’une manière brusque. M. Lebel ajoute plusieurs couplets. Le beau marin donne l’ordre d’appareiller et il met à la voile. Quand il est en mer, il entend de loin le son des cloches : hélas ! ce sont les glas de la belle Françoise. Alors il revient au rivage, afin de la voir enterrer ; mais loin de se montrer touché de cette mort soudaine, il finit en disant qu’il voudrait voir son amante à vingt pieds sous terre. Certes, le mot de la fin est cruel. Cependant il s’accorde assez bien avec les mots :

Ceux qui vous l’ont dit, belle,
Ont dit la vérité,

qui sont loin d’être consolants pour le cœur de Françoise.

M. Ernest Gagnon, dans la seconde édition de ses Chansons Populaires du Canada, donne aussi une suite à la chanson de la Belle Françoise. Les deux amants se disent adieu, et le guerrier ajoute avec tendresse :

Je vous épouserai
Au retour de la guerre,
Si j’y suis respecté.

Les scènes de la mort, des glas et de l’enterrement de Françoise sont donc entièrement omises. Nous sommes portés à croire que la version de M. Lebel vaut beaucoup mieux, et que M. Gagnon lui-même l’eût préférée s’il l’eût connue avant de donner la seconde édition de son remarquable ouvrage.

Monsieur Gravel nous chanta cette chanson de menterie dans laquelle on s’engage à ne pas dire un mot de vérité, sous peine d’être pendu.