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cœur. L’un crie : tu m’écrases le pied. Un autre trouve qu’on va le défoncer, car il y a un compagnon qui joue des coudes. Un autre a voulu déranger son oreiller, et en se recouchant il donne du menton dans l’œil de son voisin. Néanmoins, quand l’aurore a paru, tout ce monde est allègre et dispos.

Nous n’avions pu monter nos effets de chapelle le soir ; ils étaient restés chez M. Bourassa, près du rivage où nous avions abordé. Mais, dès cinq heures du matin, M. Thompson les envoyait chercher, en traîneau, s’il vous plaît. M. Gravel se met donc à préparer l’autel et les ornements pour la messe. Je dis la première ; M. Prince dit la seconde, et Monseigneur fait du chant à cette messe. Comme la mission n’a pu commencer hier soir, Monseigneur se charge seul de la prédication : il parle près d’une heure et ensuite il dit sa messe. Le nombre des communions est en tout de 36, ce qui est beaucoup pour la mission peu nombreuse de La Tuque. Après l’action de grâces, Monseigneur dit aux gens d’aller se reposer, et pendant cette récréation Monsieur le curé dit sa messe, à peu près seul avec son servant. Ensuite Monseigneur fait entrer le peuple : il chante un cantique et confirme 15 personnes. Il leur parle encore une fois, puis il termine la mission comme à l’ordinaire, par la bénédiction solennelle.

Que le métier d’historien est pénible parfois ! Il faut que je m’accuse de n’avoir pas assisté à la cérémonie de la confirmation. Où étais-je pendant ce temps ? J’admirais la situation de la maison qui est juchée sur le rocher, en face de La Tuque et de la chute dont on entend le murmure. Je regardais ce beau mat qu’on a planté devant la porte, et qui est surmonté d’un grand pavillon. Je descendais la côte, et j’allais, malgré les attaques des maringouins, examiner de près les trois cascades de la chute, grimpant à travers les roches escarpées, mangeant des bleuets sans penser que c’était jeûne, courant ici et là, et constatant à la fin que la deuxième cascade est la plus belle.

Je vois bien ce qui me pend au bout du nez : pour me punir du mauvais exemple que j’ai donné,