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si epaisse, que nous ne nous voions pas. Cette brune avoit esté precedée d’un petit vent, lequel rafraischisant nous mîmes a la voille qui portant nos canots tentost au dessus, et puis apres dans une abime de lames, fist un peu de temps que nous ne scumes plus ou nous estions, estant dans l’incertitude de scavoir si nous allions dans le fond de la baye, ou si nous prenions la route de plaine mer, ou de connoistre si effectivement nous estions en route. Nous tirâmes quelques coups de fusil inutilement, pour scavoir si tout le monde faisoit la meme route. La brune nous desoloit, ne pouvant voir la longueur du canot, de sorte que ne sachant que faire, je fis sonder. Nous n’avions point de plomb, nous nous servîmes d’une hache avec laquelle nous trouvâmes quatre brasses, quelque temps apres trois, ce qui me rejouit, en ce que je voiois bien que nous approchions de terre ; peu après je fis encore sonder, et nous retrouvâmes qu’une brasse d’eau, et echouâme ensuitte insensiblement sur un banc de sable, la mer estant toute basse, ce qui nous donna beaucoup de joie. Quelque temps apres, nous vimes terre, la brune s’estant discipée et nous estant rembarquez nous arrivâmes a l’embouchure d’une grande riviere (443 bis)[1] que nous prenions pour celle ou estoit notre fort, mais nous nous trompions. Nous y mimes pied a terre pour disner, et continuant notre route, nous vinmes coucher dans des prairies couvertes d’eau. Nous fumes contraints de nous y servir de bois de report, de marée pour mettre sous nous, a cause de

  1. La rivière Harricana.