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LES AVENTURES

notre cité, nous nous retirâmes dans les étages inférieurs auprès de quelques milliers d’œufs qui ne devaient éclore qu’au printemps suivant ; et nous nous endormîmes en toute sécurité.

Le premier souffle de la tiède brise de mai nous réveilla. Nous vîmes avec chagrin que la pluie avait fort endommagé nos étages supérieurs. Il fut un instant question de les réparer ; mais on se résolut à construire une habitation plus vaste, plus commode et mieux située. Plusieurs de nos sœurs allèrent à la découverte d’un emplacement convenable, en ayant soin de bien explorer les environs de notre fourmilière afin de ne pas s’égarer dans les solitudes qui l’entouraient.

Aussitôt après avoir fixé leur choix, elles accoururent pour nous en instruire, et chacune d’elles emporta une ouvrière vers ces lieux inconnus ; puis elles revinrent toutes ensemble se charger d’autres fourmis, et répétèrent ce manége jusqu’à ce qu’elles fussent en nombre suffisant pour commencer les travaux. Il fallut faire violence aux paresseuses (car il s’en trouve dans les meilleures fourmilières), et les traîner de force vers les différents ateliers. Nous abandonnâmes à eux-mêmes nos pucerons, les sachant si bien façonnés à l’esclavage qu’il n’y avait pas à craindre qu’ils cherchassent à recouvrer leur liberté, et nous allâmes maçonner toutes en semble. Il ne resta seulement à la fourmilière