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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

plus violente que le coup de tonnerre qui me donna l’être. C’était un moulin qui venait de sauter avec son petit magasin à poudre. À cet instant même, un vieillard qui en sortait chargé d’un sac de poudre, fut enseveli sous un déluge de pierres qui s’étendit à une grande distance. La vachère, qui, assise au bord du canal, les pieds pendants au-dessus de l’eau, chantait en tricotant son bas, eut son immense bonnet triangulaire emporté par une pierre de taille, et n’éprouva d’autre mal que d’être renversée par la secousse. Les pauvres bêtes, stupéfaites, ne cherchaient point à fuir ; elles s’étaient roidies sur leurs jambes et semblaient attendre.

Quand le tumulte fut apaisé, une foule de femmes et d’enfants éplorés vinrent à la recherche des poudriers qui, tous, avaient été précipités à terre par cette terrible commotion. Beaucoup étaient à demi asphyxiés, quelques-uns blessés, et deux ne se relevèrent plus ! Trois d’entre eux avaient été projetés de l’autre côté du fleuve, fort large en cet endroit, sans avoir éprouvé le moindre mal. Mais il en manquait un à l’appel ! c’était le patriarche des poudriers. Cet homme avait été témoin de six explosions sans avoir jamais été blessé. On le cherchait, et sa vieille compagne au désespoir le croyait noyé, quand les soldats du poste, accourus pour déblayer les abords des bâtiments, trouvèrent