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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

aucun compte des circonstances extérieures, je descendis insensiblement et sans m’en apercevoir, puis je me trouvai prise dans un de ces épais brouillards qui assombrissent les tristes journées d’hiver.

La nuit m’attacha sous forme de givre aux ailes d’un petit oiseau blotti sur une branche. Le pauvret, à son réveil, chercha vainement à se débarrasser de cette entrave. Un enfant, témoin de sa détresse, le saisit, et, après avoir secoué les frimas qui le couvraient, il le réchauffa dans son sein. Quel sort lui réservait-il ? Les enfants ont des tendresses si cruelles pour ces petits êtres emplumés, objets de leur éternelle convoitise !

J’étais tombée sur un rosier déjà tout couvert des prismes brillants dont je venais augmenter le nombre. Le soleil de midi nous fondit en même temps qu’un vent glacial nous cristallisait de nouveau, mais en glace cette fois. La campagne prit alors un aspect magique : c’étaient des arbres de cristal sur un sol de diamants, qui brisaient les rayons lumineux et les renvoyaient avec un éclat insupportable.

Ce sublime spectacle dura peu : le dégel couvrit la terre d’eau qui s’épancha de tous côtés. De ruisseaux en rivières, j’arrivai dans la Seine vers le milieu de son parcours et assez près de Paris. Je ne voulus point me mettre au fil de l’eau, préférant