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les femmes écrivains de la france

Ouen, où une vie toute poétique succéda pour elle à une vie toute studieuse. Ses plus beaux jours, et ils étaient fréquents, étaient ceux où son père allait la voir, cherchant auprès d’elle une distraction aux soucis du ministère. Sa tendresse pour lui se transforma en une sorte de culte, au point qu’un jour, dans un élan d’affection filiale, elle lui avoua qu’elle se surprenait à être jalouse de sa mère.

Et pourtant le sérieux ministre n’était guère prodigue de démonstrations extérieures ; il applaudissait rarement aux succès de sa fille, mais il ne manquait jamais de relever ses fautes et de les tourner en ridicule. « Il démasquait en moi toute affectation, — a dit depuis Mme de Staël, — et j’ai pris auprès de lui l’habitude de croire que l’on voyait clair dans mon cœur. » Lorsque Necker publia son Compte-Rendu, sa fille, qui n’avait alors que seize ans, fut dévorée du désir de s’exprimer sur un ouvrage qui faisait le sujet de toutes les conversations. Elle imagina d’écrire à son père une lettre anonyme. Mais au tour personnel des idées et du style, il reconnut l’auteur et, dès ce moment, il mit dans ses rela-