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mes vacances au congo

d’expansion des vertus et des vices dans chaque groupe humain, au gré de l’éducation, de la religion, des traditions, du milieu climatérique, des ressources matérielles.

Quelque opinion que nous puissions avoir sur le noir du Congo, il importe de nous pénétrer d’une vérité première : C’est que le Congo n’est et ne sera rien sans lui. Sans son concours, aucune mise en valeur de notre colonie n’est et ne sera possible.

Ailleurs, on a pu se passer de l’indigène. Bien plus, on a vu des races conquérantes expulser ou même détruire, soit systématiquement, soit hypocritement, les peuplades primitives qui occupaient la région à exploiter ou à coloniser. Tout au long de l’histoire, ce phénomène s’est reproduit et le xixe siècle en a fourni la répétition au Transvaal, en Océanie, en Amérique. Au Congo, de telles méthodes seraient condamnées à la fois par les conceptions supérieures de l’humanitarisme et par les calculs de l’utilitarisme le plus sec. Pourquoi ? C’est que sous l’Équateur, le Belge ne peut guère exercer d’autre travail qu’un travail de direction. Le labeur physique continu, tout métier manuel, pénible par lui-même, lui sont à peu près interdits. En dehors du Katanga, de l’Uelé, du Haut-Ituri, du Kivu, l’idée du « peuplement » européen systématique paraît devoir être écartée. Il n’y a, d’ailleurs, à l’heure actuelle, que 9,000 blancs dans tout notre Congo, et quand bien même ce chiffre serait décuplé, il resterait singulièrement insuffisant en regard des 2,400,000 kilomètres carrés de notre domaine africain.

La collaboration du noir nous étant indispensable, le devoir politique, le souci moral et l’intérêt économique s’unissent donc pour exiger que nous ayons le souci de l’indigène.