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— C’est une mefiance qui insulte ma probité. Dites moi, Nanette, si vous me croyez honnête homme — Oui certainement — Fort bien. Vous devez m’en convaincre. Vous devez vous coucher toutes les deux à mes cotés tout à fait deshabillées, et compter sur la parole d’honneur que je vous donne que je ne vous toucherai pas. Vous êtes deux, et je suis un : que pouvez vous craindre ? Ne serez vous pas les maitresses de sortir du lit, si je cesse d’être sage ? Bref : si vous ne me promettez pas de me donner cette marque de confiance du moins quand vous me verrez endormi, je n’irai pas me coucher.

J’ai alors cessé de parler fesant semblant de m’endormir ; et elles se parlerent tout bas ; puis Marton me dit d’aller me coucher, et qu’elles en feroient de même quand elles me verroient endormi. Nanette me le promit aussi, et pour lors je leur ai tourné le dos, et après m’être entierement deshabillé, je me suis mis au lit, et je leur ai souhaité la bonne nuit. J’ai d’abord fait semblant de dormir, mais un quart d’heure après, je me suis endormi tout de bon. Je ne me suis reveillé que quand elles vinrent se coucher ; mais je me suis d’abord tourné pour reprendre mon someil, et je n’ai commencé à agir que quand je me suis vu le maitre de les croire endormies. Si elles ne dormoient pas, il ne tenoit qu’à elles d’en faire semblant. Elles m’avoient tourné le dos, et nous étions à l’obscur. J’ai commencé par celle vers la quelle j’étois tourné ne sachant pas si c’étoit Nanette ou Marton. Je l’ai trouvée accroupie, et enveloppée dans sa chemise, mais ne brusquant rien, et n’avançant l’entreprise qu’aux pas les plus petits elle se trouva convaincue que le meilleur parti qu’elle put prendre étoit celui de faire semblant de dormir, et de me