tous les jours, et souvent lorsque j’étois encore au lit me disant
qu’elle n’avoit pas le tems d’attendre que je m’habillasse. Elle me lavoit
le visage, le cou, et la poitrine, et elle me fesoit des caresses enfantines
qu’en devoir de juger innocentes, je me voulois du mal de
ce qu’elles m’alteroient. Ayant trois ans moins qu’elle, il me
sembloit qu’elle ne pût pas m’aimer avec malice, et cela me mettoit
de mauvaise humeur contre la mienne. Quand assise sur mon lit
elle me disoit que j’engraissois, et que pour m’en convaincre elle s’en
rendoit sûre par ses propres mains, elle me causoit la plus grande
émotion. Je la laissois faire de peur qu’elle ne s’aperçut de ma
sensibilité. Quand elle me disoit que j’avois la peau douce le
chatouillement m’obligeoit à me retirer, et j’étois faché contre
moi même de ce que je n’osois pas lui en faire autant ; mais enchanté
qu’elle ne pût pas deviner que j’en avois envie. Après m’avoir
debarbouillé, elle me donnoit les plus doux baisers m’appelant
son cher enfant ; mais malgré l’envie que j’en avois
je n’osois pas les lui rendre. Quand enfin elle commença à mettre
en ridicule ma timidité, je commençai aussi à les lui rendre,
même mieux appliqués ; mais je finissois d’abord que je me
sentois excité à aller plus loin : je tournois alors ma tete de l’autre
coté fesant semblant de chercher quelque chose, et elle
partoit. Après son depart j’étois au desespoir de n’avoir pas
suivi le penchant de ma nature, et étonné que Bettine put
faire de moi sans conséquence tout ce qu’elle fesoit tandis
que je ne pouvois m’abstenir d’aller plus en avant qu’avec la
plus grande peine. Je me promettois toujours de changer de conduite.
Au commencement de l’automne le docteur reçut trois pensionnaires, et un d’eux agé de quinze ans nommé Candiani me parut en moins d’un mois tres bien avec Bettine.