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Bettine alors donna dans un tel éclat de rire que j’ai pouffé ; mais le capucin qui me vit dit au docteur que je n’avois pas de foi, et de me faire sortir. Je suis parti lui disant qu’il avoit deviné ; mais je n’ai pas moins vu Bettine lui cracher sur la main quand il la lui présenta lui ordonnant de la lui baiser.

Inconcevable fille remplie de talent, qui confondit le capucin, et qui n’étonna personne, puisqu’on attribua toutes ses paroles au diable. Je ne concevois pas quel pouvoit être son but.

Le capucin après avoir dîné avec nous, et avoir dit cent betises, rentra dans la chambre pour donner sa benediction à la possedée, qui lui jeta à la tete un verre rempli d’une liqueur noire que l’apoticaire lui avoit envoyée, et Candiani qui étoit à coté du moine en reçut sa part, ce qui me fit le plus grand plaisir. Bettine avoit raison de saisir l’occasion qu’on attribuoit tout au diable. Le pere Prospero en partant dit au docteur, que la fille étoit sans doute possedée ; mais qu’il devoit chercher un autre exorciste, puisque ce n’étoit pas à lui que Dieu vouloit accorder la grace de la délivrer.

Après son départ Bettine passa six heures fort tranquillement, et nous surprit tous venant se mettre à table avec nous pour souper. Après avoir assuré son pere, sa mere, et son frere qu’elle se portoit bien, elle me dit qu’on donnoit le bal le lendemain, et qu’elle viendroit le lendemain matin pour me coiffer en fille. Je l’ai remerciée lui disant qu’elle avoit été fort malade, et qu’elle devoit se menager. Elle alla se coucher, et nous restames à table ne parlant que d’elle.

En allant me coucher j’ai trouvé dans mon bonnet de nuit ce billet au quel j’ai répondu quand j’ai vu le docteur endormi. Ou venez au bal avec moi habillê en fille, ou je