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Chapitre VI

La Denis, Medini, Zanovich, Zen, mon depart force, mon arrivée à Bologne. Le General Albergati

J’ai demandé en peu de mots au jeune grand duc le sûr asile pendant tout le tems que je m’arretterois dans ses états, et prevenant les interrogations que je prevoyois je lui ai dit par quelle raison je ne pouvois pas retourner à Venise. Je lui ai dit que pour ce qui regardoit mon necessaire soutiens à la vie je n’avois besoin de personne, et que je comptois de passer mon tems dans l’étude. Il me repondit que ayant une bonne conduite les loix de son païs suffisoient à me rendre certain de jouir de toute la tranquillité qui m’étoit necessaire ; mais que cependant il étoit bien aise que je me fusse presenté. Il me demanda quelles étoient les connoissances que j’avois à Florence, et je lui ai repondu que j’avois connu plusieurs personnes maisons il y avoit alors dix ans ; mais que voulant vivre tout à moi je pensois de ne renouveller connoissance avec personne.

Ce fut toute la conversation que j’ai eu avec ce prince. C’étoit tout ce qu’il me paroissoit devoir faire pour me mettre à l’abri des malheurs. Ce qui m’étoit arrivé dix ans auparavant devoit être oublié, ou ne devoit plus avoir la moindre force, car l’ancien gouvernement n’avoit rien de nouveau comun avec le nouveau. Je suis allé dans la boutique d’un libraire où j’ai acheté les livres dont j’avois besoin, et où un homme à l’air noble me voyant curieux de litterature grecque me parla, et m’interessa. Je lui ai dit que je travaillois à la traduction de l’Iliade, et confidence pour me confidence il me dit