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Chapitre VII

L’electrice douairière de Saxe Farinelle, la Sclopitz, la Nina, l’accoucheuse la Soavi, l’abbé Bolini, la Viscioletta, la couturiere, triste plaisir d’une vengeance. Severini va à Naples. Mon depart. Le marquis Mosca à Pesaro

Celui qui attaque par des écrits comico-satiriques quelqu’un qui a de l’orgueil est presque toujours sûr de triomphier, car les rieurs s’arrangent d’abord de son coté. Je demandoisa dans mon dialogue si un marechal de camp pouvoit s’appeller marechal tout court, et un lieutenant colonel colonel. Je demandois si un homme qui preferoit à des titres de noblesse constatés par la naissance des titres d’honneur achetés argent comptant pouvoit passer pour sage. Le marquis crut de devoir mepriser mon dialogue, et la chose fut finie ; mais toute la ville depuis six j ce tems là ne l’appella jamais que M.r le General. J’ai vu au dessus de la porte de son palais les armes de la republique de Pologne ; ce qui fit rire le comte Mischinski ambassadeur du roi de Pologne à la cour de Berlin, qui vint dans ces momens là à Bologne arrivant des bains de Pise. Je l’ai persuadé à laisser à sa porte un billet de visite s’annonçant par sa qualité, et Albergati lui fit la même politesse ; mais pour le coup je n’ai pas vu sur sa carte le titre de general.

L’electrice douairière de Saxe vint alors à Bologne, et je lui ai fait ma cour. Elle n’y étoit venue que pour voir le fameux castrato Farinello, qui après avoir quitté la cour de Madrid vivoit riche, et tranquille dans cette ville. Il lui donna un rafraichissement magnifique, et un air de sa composition, qu’il chanta lui même se l’accompagnant au clavessin. Cette princesse qui étoit musicienne enthousiaste embrassa Farinello, et lui dit qu’elle se trouvoit enfin en état de mourir contente. Farinello qu’on appelloit le chevalier D. Carlo Broschi avoit pour ainsi dire regné en Espagne. La reine parmesane femme de Philippe cinq avoit fait des cabales, qui obligerent Broschi