cru de n’avoir jamais vu ni un teint plus blanc, ni des yeux des sourcils,
et des cheveux plus noirs ; ce qui rendoit irressistible la force de
ses charmes étoit la douceur de ses regards, et la nayveté de ses
propos. Son amie Sa gouvernante qui avoit dix a douze ans plus qu’elle étoit
aussi fort aimable, et tres interessante à cause d’un air pale,
et d’une tristesse qui paroissoit l’effet d’une quantité de desirs,
qu’elle devoit etouffer. Elle me plut beaucoup en me racontant
en detail toute la confusion que causa dans la maison
la suspension de l’excomunication. La principale superieure en étoit fort
contente comme toutes les jeunes filles ; mais les vieilles
devotes en etoient scandalisées. Elle nous dit qu’elle avoit
deja donné ordre qu’on fit des fenetres pour eclairer les
parloirs obscurs, malgrè que les devotes disoient qu’elle ne
pouvoit pas rencherir sur la permission que le pere directeur
lui avoit donnée. Cette superieure disoit, et raisonnoit juste,
que d’abord qu’il étoit permis à tout le monde d’aller dans
le parloir clair, les obscurs devenoient absurdes. Elle avoit
aussi decidé de faire oter la double grille, puisque dans le
parloir clair il n’y en avoit qu’une. L’esprit de cette superieure
me donna envie de la connoitre, et Emilie me procura
ce plaisir le lendemain. C’etoit le nom de la triste amie
d’Armeline sœur de Marcuccio Menicuccio. Cette premiere visite dura
deux heures qui me passerent tres vite, tandis que pour sa comodité
Marcuccio Menicuccio étoit allé causer avec sa bienaimée à une
autre grille toujours cependant accompagnée de sa gouvernante.
Je suis parti après leur avoir donné dix ecus romains comme la premiere fois, et avoir baisé les mains d’Armelline, qui en me les livrant devint toute en flames. Jamais un homme n’avoit touché ses mains, et elle fut toute etonnée quand elle