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dence, soit crainte de me faire du tort, elles vous on menti ; mais vous meritez de savoir tout. Mon honneur même exige que je vous informe — Je vous en prie, et vous pouvez etre sûr de ma discretion.

Je lui ai alors dit en detail toute l’affaire, et je l’ai vue penetrée. Elle me dit que sa maxime étoit de ne penser jamais au mal sans une grande vraisamblance ; mais que connoissant la faiblesse humaine elle n’auroit jamais cru que nous nous etions tenus dans des bornes si severes depuis presque trois mois que nous nous voyions tous les jours. Il me semble, me dit elle, qu’il y a moins de mal donc un baiser, que dans le scandale que cause votre abandon — Mais je suis sur que Armelline ne s’en soucie pas — Elle pleure tous les matins — Ces pleurs peuvent venir d’une vanité, ou peut être de la peine que peut lui faire la raison à la quelle on veut attribuer mon inconstance — Ceci pas ; car j’ai fait entendre à toute la maison que vous etes malade — Et que dit Emilie ? — Elle ne pleure pas ; mais elle est fort triste, et il me semble qu’en me disant toujours, que si vous ne venez plus ce n’est pas sa faute, elle veuille dire que la faute est d’Armelline. Faites moi le plaisir de venir demain : elles meurent d’envie de voir une fois l’opera d’Aliberti, et l’opera bouffon à Capranica — Eh bien, madame, je viendrai dejeuner demain matin, et demain au soir elles verront l’opera — J’en suis bien charmée : je vous remercie. Puis-je leur donner cette nouvelle ? — Je vous prie même de dire à Armelline que je ne me suis determiné à retourner à la voir qu’en force de tout ce que vous m’avez dit.

Que la princesse fut contente quand je lui ai donné cette nouvelle l’après dîner ! Le Cardinal savoit que la chose devoit aller ainsi. Elle me donna d’abord le billet de sa loge pour le len-