Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10

dans mon épouvantable ſituation mes égaremens, et j’ai trouvé des raiſons pour me les pardonner : ayant beſoin de la même indulgence de la part de ceux qui me liront je n’ai voulu leur rien cacher, car je préfère un jugement fondé ſur la vérité, et qui me condamne, à un qui pourroit m’être favorable fondé ſur le faux.

Si l’on trouvera dans quelqu’endroit de l’hiſtoire quelque trait amer contre le pouvoir qui m’a détenu, et m’a pour ainſi dire forcé à m’abandonner aux risques auxquels l’exécution de mon projet m’a expoſé, je déclare que mes plaintes ne peuvent être ſorties que de la pure nature, car nulle aigreur préoccupe mon cœur, ou mon eſprit, pour qu’elles puiſſent être nées de haine, ou de colère. J’aime ma patrie, et par conſéquent ceux qui la gouvernent : je n’ai pas approuvé alors ma detention, parceque la nature ne me l’a pas permis ; mais je l’approuve aujourd’hui par rapport à l’effet qu’elle fit ſur moi, et au beſoin que j’avois d’une correction à ma conduite : malgré cela je condamne la maxime, et les moyens. Si j’avois ſu mon crime, et le tems qu’il me falloit pour l’expier je ne me ſerois pas mis dans l’évident