Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/189

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mais elles ne paſſèrent pas plus vite pour moi : cette comédie m’amuſait, et je me ſentois ſûr de ſon effet : l’incertitude cependant me tourmentoit : je me voyois perdu, ſi par oubli Laurent n’eût pas porté le livre au père Balbi.

À dix-huit heures j’ai voulu dîner : j’ai bu de l’eau ; et Soradaci but tout le vin que j’avois, et il a mangé tout l’ail au deſſert : c’étoit ſa confiture. Lorsque j’ai entendu dix-neuf heures je me ſuis jetté à genoux en lui ordonnant d’en faire autant d’un ton de voix qui l’épouvanta : il m’obéit en me regardant fixement comme un imbécille. Lorsque j’ai entendu le petit bruit qui m’indiquoit le paſſage du mur. L’ange vient lui dis-je, et je me ſuis couché ſur mon ventre en le pouſſant pour le faire tomber dans la même poſition. Le bruit de la fraction étoit fort ; je me ſuis tenu là un bon quart d’heure, et lorsque je me ſuis levé, il me vint envie de rire en voyant qu’il s’étoit tenu ainſi couché comme moi avec la plus grande obéiſſance. J’ai paſſé trois heures et demi à lire, et lui à marmotter le Roſaire, à prier, à ſoupirer, à dormir, à pluſieurs repriſes, et à faire des geſtes à l’image de la vierge dont rien n’étoit