Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/198

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qu’on appelle de tiſſerand. Cette diligence étoit néceſſaire, car un nœud mal fait auroit pu ſe délacer, et l’homme qui dans l’inſtant ſe ſeroit trouvé ſuſpendu à la corde auroit précipité. Il y a dans les grandes entrepriſes des articles qui décident de tout, et ſur lesquels le chef qui mérite de réuſſir ne doit ſe fier à perſonne. Après cela j’ai fait un paquet de mon habit, de mon manteau de bout de ſoye, de quelques chemiſes, de bas, de mouchoirs, et nous ſommes entrés tous les trois dans le cachot du comte en portant avec nous tout ce bagage. Le comte fit d’abord ſes complimens à Soradaci de ce qu’il avoit eu le bonheur d’être mis avec moi, et l’autre d’être dans le moment de me ſuivre ; et il n’a rien répondu. Son air interdit me donnoit la plus grande envie de rire. Je ne me gênois plus ; j’avois envoyé à l’enfer le masque de l’hypocriſie que je gardois toute la journée depuis une ſemaine. Je voyois cet eſpion convaincu que je l’avois trompé, mais n’y comprenant rien ; car il ne pouvoit pas concevoir de quelle façon je pouvois avoir eu une correſpondence avec le prétendu ange, qui arrivoit, et s’en alloit dans l’inſtant que je l’annonçois. Il entendoit le comte, qui nous