Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/224

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L’effort, que je fis pour exécuter mon deſſein me cauſa une contraction nerveuſe, dont la douleur doit abattre le plus fort des hommes : elle me prit dans le moment que mon genou droit touchoit déjà la goutière ; mais non ſeulement cette douloureuſe contraction qu’on appelle crampe me rendit comme perclus de tous mes membres, mais en devoir de me tenir immobile pour attendre qu’elle s’en aille d’elle-même, comme j’en avois fait l’expérience autrefois. Terrible moment ! Deux minutes après j’ai tenté, et j’ai, Dieu merci, oppoſé à la goutière mon genou, puis l’autre, et d’abord que j’ai cru d’avoir recouvré aſſez d’haleine, tout droit, quoiqu’à genoux, j’ai ſoulevé l’échelle tant que j’ai pu en la pouſſant de ſorte qu’elle étoit devenue presque parallèle à l’embouchure de la lucarne. J’ai alors pris mon verrou, et ſuivant ma méthode ordinaire, je me ſuis grimpé à la lucarne, où j’ai très-facilement fini d’y introduire l’échelle, dont mon compagnon reçut le bout entre ſes bras. J’ai jetté dans le grenier les cordes, et le paquet de mes hardes, et adroitement je ſuis deſcendu. Je l’ai embraſſé ; j’ai retiré dedans l’échelle, et nous tenant bras à bras, nous avons fait à tâton le