Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai rejoint à Strasbourg la charmante famille, avec laquelle je ſuis arrivé à Paris le matin du jour 5 de janvier de l’année 1757, jour de mercredi. Je n’ai jamais de ma vie fait un plus agréable voyage. Le bon ſens de la mère, l’eſprit cultivé du fils, la beauté parfaite, l’eſprit gai, et les talens de la charmante fille formoient une ſociété, dont les charmes ne me laiſſoient rien à déſirer. Après avoir vu le plus cher de tous mes amis, je courus à Verſailles dans un pôt de chambre, que j’ai pris au pont royal pour aller embraſſer M. de Sers, noble napolitain, ſur l’ancienne amitié duquel je comptois beaucoup. Je ſuis arrivé à la cour à quatre heures, et ayant ſu qu’il étoit parti avec l’ambaſſadeur comte de Cant… j’ai penſé d’aller dîner avant que de retourner à Paris.

Mais à peine arrivé à la grille dans ma même voiture, je vois une grande quantité de monde courir de tout côté dans la plus grande confuſion, et j’entens tout le monde crier : le roi eſt aſſaſſiné ; on vient de tuer ſa Majeſté. Mon cocher plus effrayé que moi veut ſuivre ſon chemin, mais on arrête la voiture, on me fait deſcendre, et on me met dans le corps de garde, où je vois en