Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/66

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mon lit ; mais n’ayant pas des armes je ne voyois autre moyen que celui de les étrangler à belles mains en leur ſuppoſant toute la complaiſance néceſſaire à l’exécution. Un archer étoit toujours dehors à la première porte, qu’il n’ouvroit que lorsque ceux qui vouloient ſortir lui donnoient le mot de paſſe : outre cela il étoit prêt à accourir au moindre bruit. Mon ſeul plaiſir étoit celui de me repaître de projets chimériques tous tendans au recouvrement de ma liberté ſans laquelle je ne voulois pas de la vie. Je liſois toujours Boece ; mais j’avois beſoin de ſortir de-là, et dans Boece je ne trouvois pas le moyen : j’y penſois toujours parceque j’étois perſuadé de ne pouvoir le trouver qu’à force d’y penſer. Je crois encore aujourd’hui que lorsque l’homme ſe met dans la tête de venir à bout d’un projet quelconque, et qu’il ne s’occupe que de cela il doit y parvenir malgré toutes les difficultés : cet homme deviendra grand Viſir, il deviendra Pape, il culbutera une monarchie, pourvu qu’il s’y prenne de bonne heure ; car l’homme arrivé à l’âge mépriſé par la fortune ne parvient à rien, et ſans ſon ſecours on ne peut pas eſpérer de réuſſite. Il s’agit de compter