Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/68

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alla ſans dire le moindre mot. J’étois ſur mon lit dans la petite alcove, où il ne pouvoit pas me voir : ſa ſurpriſe m’amuſa. Ayant le bonheur d’avoir une taille de cinq pieds, il ſe tenoit debout en regardant attentif mon fauteuil qu’il croyoit préparé pour lui : il vit ſur la hauteur d’appui Boece : il eſſuya ſes pleurs, l’ouvrit, et le rejetta avec dépit, lorsqu’il vit que c’étoit du latin. Il fit le tour du cachot, et étonné de trouver des hardes, il fut vite à l’alcove, où une foible lueur lui fit voir un lit : il mit alors la main ſur moi qu’il retira en me demandant pardon lorsqu’il entendit le ſon de ma voix : je lui ai dit de s’aſſeoir, et le lecteur peut s’imaginer que notre connoiſſance fut bien tôt faite. Il me dit qu’il étoit natif de la ville de Vicence, et que ſon père quoique pauvre cocher, l’avoit envoyé à l’école, où ayant appris à écrire il s’étoit trouvé en état à l’âge de onze ans d’entrer dans la boutique d’un perruquier : en quatre ans il avoit appris à peigner perruques, et cheveux aſſez bien pour aller ſervir M. le comte… en qualité de valet de chambre. Il me dit en ſoupirant que deux ans après la fille unique du comte fut retirée du couvent, et qu’en peignant ſes beaux