Page:Casanova Histoire de ma fuite 1788.djvu/73

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pots de terre, et une ſeringue d’étain. J’ai jugé que quelqu’illuſtre priſonnier put avoir mérité d’être diſtingué par la permiſſion de faire uſage de ces meubles. J’ai vu auſſi une eſpèce de verrou tout droit gros comme mon pouce, et long plus d’un pied, et demi. Je n’ai touché à rien de tout cela : le tems n’étoit pas encore venu de jetter des dévolus ſur quelque choſe.

Mon camarade un beau matin vers la fin du mois me fut enlevé. On l’a condamné dans les priſons appellées les quatre. Elles ſont dans l’enceinte du bâtiment des priſons, et elles appartiennent aux inquiſiteurs d’état. Les priſonniers qui ſont là ont l’agrément de pouvoir appeller les gardiens quand ils en ont beſoin ; elles ſont obſcures ; mais on leur accorde une lampe ; tout eſt marbre, et on n’y craint pas le feu. J’ai ſu long-tems après qu’on a tenu là dedans ce pauvre garçon cinq ans, et qu’on l’a envoyé après à Cerigo, qui eſt l’ancienne Cythère, île appartenante à la république de Veniſe, ſituée à la fin de l’Archipel, la plus éloignée de toutes les poſſeſſions du grand conſeil. On envoye là à terminer leurs jours tous les coupables en fait de galanterie, qui ne ſont pas d’un rang qui