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les quatre fils aymon

les répliques, toujours s’affaiblissant, des situations, ni les emprunts faits à l’épopée générale, ni le voyage en Palestine, ni la fin pieuse et sanctifiée du héros n’auraient valu à l’immense composition sa popularité si étendue et si durable : elle la doit à la réalité et à l’intensité des caractères posés au commencement. Dans les Fils Aymon, nous nous intéressons en fait aux fils innocents du roi frank, aux victimes de la haine jalouse de Frédegonde, au prétendant malheureux que la trahison livre aux sicaires du roi Gonthramn. La destinée de Chlodovig, de Merovig et de Gondovald est, que l’on me pardonne l’expression, la source vive de l’émotion que nous ressentons en suivant d’aventure en aventure Renaud et ses vaillants frères.

Un élément plus jeune où les traces historiques ont gardé quelque précision, fut emprunté à la légende de Charles Martel et se fondit avec une partie des éléments primitifs. Mais Charles a triomphé de tous ses adversaires. Il apporte avec lui l’éclat d’une vaillance invincible. Dès lors le caractère général se modifie. Les fils Aymon n’intéressent plus seulement par leur malheur, par les épreuves qu’ils traversent : ce sont d’héroïques chevaliers luttant infatigablement pour leur droit. L’on pressent qu’ils auront raison du mauvais sort qui les poursuit.

Dans l’état actuel de la Chanson de geste, le récit se poursuit sans solution apparente de continuité depuis l’endroit où Charles, après l’insuccès de la course, décide d’aller assiéger Montauban, jusqu’au moment où Maugis remet l’empereur endormi aux Fils Aymon. Au lieu de rimer, les vers sont assonancés. Cette longue suite de plus de sept mille vers se décompose en plusieurs parties : la trahison d’Ys, les combats de Vaucouleurs, Richard prisonnier, les combats et les tentatives d’entente avec Charles. On peut se demander si, dans une forme plus ancienne de la légende, la trahison ne réussissait pas et si les Fils Aymon ne mouraient pas à Vaucouleurs. En remontant à Merovig et à Gondovald, nous avons en effet rencontré la fin tragique du personnage trahi. Mais l’épopée des Fils Aymon s’est constituée par l’association intime d’emprunts faits à deux cycles différents. Si d’une part subsistait la trace d’événements lugubres, l’introduction dans l’œuvre