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les quatre fils aymon

traits essentiels notés d’abord dans le personnage du frère de Renaud : extrême jeunesse, grand péril venant du roi ; et il ramène à l’histoire du prétendant Gundovald dont nous avons déjà constaté les points de contact avec la légende des Fils Aymon[1].

Des quatre Fils Aymon, deux restent dans l’ombre, Alard et Guichard. La légende, qui tend toujours, à simplifier, qui abandonne tout ce qui empêcherait l’intérêt de se concentrer, ne leur attribue ni aucun acte ni aucun malheur isolé. Leur présence serait inexplicable, si l’on ne savait qu’ils gardent la place de leurs originaux, Chlodovig et Mérovig, et cela d’autant plus naturellement que l’un de ceux-ci avait déjà sa part faite dans le Beuves d’Aigremont. Mais leur destinée de fils malheureux poursuivis par un père et un roi injuste pèse sur le sort commun aux Fils Aymon. Renaud et Richard représentent deux autres personnalités historiques et, à des degrés inégaux, ramènent sur eux tout l’intérêt du drame. Mais il faut remarquer que dès que l’action entre sur le terrain où s’est déroulée l’épopée de Gondovald, les Fils Aymon n’ont plus à redouter que le roi : leur père est tout autre envers eux. Rien ne subsiste en lui de la violence avec laquelle il les combattait et les insultait. Au passage de la Loire disparaît l’influence du souvenir de la cruauté de Chilpéric envers ses fils.

Il en est autrement pour le roi. Chilpéric était justement odieux aux Austrasiens pour sa conduite envers Sighebert, Brunehilde et Childebert, et Gonthramn par la guerre impitoyable qu’il avait faite au prétendant qui, pour eux, était bien fils de Clotaire[2], par ses différends avec Childebert, s’était attiré leur rancune et leur défiance. Dans cette conception

  1. Certains éléments épiques, dérivant de la légende des fils de Chilpéric, n’en subsistent pas moins. Ils ont été notés plus haut.
  2. Cette opinion était justifiée, on l’a vu, par des indices nombreux. Quant à Clotaire, Grégoire dit tout net qu’il était nimium luxuriosus. Sa femme Ingunde l’ayant prié de chercher un mari à sa sœur Aregunde, il trouva celle-ci de son goût, l’épousa et expliqua à Ingunde qu’il n’avait pu trouver pour sa sœur un meilleur mari que lui-même. IV, 3. C’est ce Clotaire qui, après avoir épousé Guntheuca, veuve de son frère Clodomir (III, 6), égorgea deux de ses neveux (III, 18). Ayant plusieurs fils de ses épouses, il refusait de reconnaître le fils d’une concubine.