Page:Castets - La Chanson des quatre fils Aymon, 1909.djvu/16

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mérite toute notre admiration. Mais par la variété et la complexité des sentiments, les Fils Aymon rendent plus complètement ce que fut l’âme française au Moyen-Âge. Ils sont, à cet égard, le document le plus précieux de notre ancienne littérature. Je ne sais rien de plus attachant que les hésitations d’Ogier aux prises avec les exigences de son devoir envers le roi et son affection pour ses cousins. Dans ce conflit d’obligations, un cas de conscience est posé et, comme il doit arriver souvent dans la réalité, demeure sans solution. Ogier en sort blâmé par les uns, approuvé par les autres, la conscience mal rassurée.

L’édition du Renaus de Montauban donnée par Michelant était devenue extrêmement rare. Conçue d’abord pour être la reproduction du manuscrit que l’on juge le plus ancien, elle s’en sépare, sans raison suffisante, vers la fin du poème. J’y avais relevé des erreurs de lecture, des oublis, des corrections faites au texte sans indication qui en avertît. Sur le conseil de l’illustre romanisant dont nous ne saurions trop regretter la perte, de Gaston Paris, je me suis décidé à établir une édition nouvelle, d’après le manuscrit qui a servi de base à Michelant, en m’aidant d’autres manuscrits qu’il n’avait pas, semble-t-il, étudiés de très près ou qu’il ne connaissait pas. En comparant les deux éditions, on jugera peut-être tout d’abord que la différence est petite, et l’on ne se rendra point compte de tout le travail de collation et de copies auquel j’ai dû me livrer avant de posséder passablement le sujet. Il s’agit d’un texte de dix-huit mille vers, et comme on ne peut détenir indéfiniment un manuscrit, j’ai préféré procéder en faisant des extraits d’étendue considérable. Je doute qu’en suivant une méthode plus courte et moins laborieuse, je fusse arrivé à me faire une idée juste du caractère relatif des versions. À cet égard, je suis obligé de le dire, les indications de Michelant étaient toutes inexactes et incomplètes : elles m’ont souvent trompé et d’autres avec moi. On l’appréciera quand j’en viendrai à la description des manuscrits que j’ai utilisés. Je me bornerai ici à mentionner un passage où j’ai pu combler une lacune assez considérable que Michelant n’avait pas soupçonnée et sur laquelle j’aurais passé également, si je n’avais moi-même copié les textes.