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critiquer ses erreurs, de persécuter ceux qui ont défendu contre lui la cause de la vérité.

Heureux, mille fois heureux M. Chapleau !


III


Il y a une foule d’autres incidents politiques où se manifestent toujours les mêmes tendances à faire céder toujours l’intérêt du pays, même celui du parti, à l’intérêt privé, impossible de les énumérer tous.

En l’automne de 1879, eut lieu la conversion mémorable de MM. Paquet, Flynn, Alexandre Chauveau, Fortin et Bacicot. Touchant effet des grâces de. M. Chapleau et du talent de persuasion de M. Senécal : ils surent communiquer à ces pauvres aveugles une étincelle de leur patriotisme désintéressé et faire briller à leurs yeux les lumières de la vérité. Cela valut à M. Chapleau le pouvoir avec le commandement en chef ; à M. Senécal l’administration du chemin de fer du Nord, avec la perspective certaine d’en faire plus tard sa propriété.

Dans la formation de cet étrange gouvernement, les conservateurs de toute la région de Québec furent totalement ignorés. Il y avait dans ce groupe bien des ultramontains à punir ! on était heureux de les frapper. Mais ce ne fut pourtant pas cela seul qui les fit sacrifier : M. Chapleau ne se croyait pas alors encore assez puissant pour déclarer la guerre à l’élément le plus fort de la province de Québec. Il fallait surtout achever de détruire Angers, en l’excluant tout à fait de la politique. C’était un rival trop danger pour le laisser prendre les forces du pouvoir.


IV


Mais, dira-t-on, ne l’a-t-il pas invité à entrer dans son gouvernement ? La Minerve l’a affirmé solennellement.

Non et oui, comme vous allez voir.

Non ! il n’a pas même songé à l’informer qu’un gouvernement conservateur était à se former.

Et pourtant, s’il y avait un homme qui eût des titres à recueillir les bénéfices politiques de la succession Letellier, c’était bien Angers. Angers, le plus actif, le plus énergique, le plus implacable des adversaires du coup d’État, qui ne recula pas devant le sacrifice de laisser ses affaires à Québec et de s’installer plusieurs mois à Ottawa où il travailla jour et nuit les puissants factums dont d’autres se sont attribué tout le mérite. Il était là comme un soldat toujours sous les armes, toujours sur la brèche, demandant sans cesse au ministère la tête de Letellier, déclarant qu’il resterait là jusqu’à ce que sa demande fût exaucée.