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XII


C’est ainsi que M. Chapleau a persévéramment travaillé à libéraliser le parti conservateur, en éloignant, autant qu’il l’a pu, des hauteurs du pouvoir, tous ceux qui n’étaient pas suffisamment atteints du virus libéral.

Mais là où M. Chapleau s’est surtout distingué dans son œuvre de bannissement, en gros et en détail, de l’élément conservateur, c’est lorsqu’il s’est agi de l’escamotage du chemin de fer du Nord.

Il y a là toute une pièce tragi-comique.

Arrêtons-nous-y un peu.

Quelques scènes sont d’un comique !…

Et d’un ridicule ! !

M. Chapleau y figure comme premier rôle.

C’est Jupiter Tonnant.






LE ROI S’AMUSE.


I


Avez-vous lu l’Harpagon de Molière ?

Si non, il faut le lire ; si oui, veuillez vous rappeler l’entrée en scène du seigneur Harpagon.

« Hors d’ici tout à l’heure ! et qu’on ne réplique pas ! » s’écrie-t-il en entrant sur le théâtre. Et là dessus il lance des flots d’injures à ce pauvre diable de Laflèche.

« Maître juré filou, vrai gibier de potence », etc., etc.

Voilà qui nous paraît ressembler beaucoup, pour le comique du moins, à la mise en scène de M. Chapleau, lorsqu’il foudroie les récalcitrants qui ne veulent pas faire la fortune de Senécal, Dansereau & Cie.

Hors d’ici ! Tel est son cri de guerre. Et comme l’industrie du temps et la générosité de notre capitaliste national le mettaient dans des conditions économiques bien supérieures à celles de feu M. Harpagon, voilà qu’il se paie, ou plutôt que la province lui paie une légion d’organes officieux qui, à l’envi, répètent à l’adresse de ceux qui osent ne pas applaudir au jeu du maître :

« Ambitieux ! intrigant ! mesquin ! plat ! égoïste ! méchant ! orgueilleux ! dévoyé ! fourbe ! factieux ! haineux ! vindicatif ! malhonnête ! traître ! hobereau du moyen âge ! cœur de lièvre ! etc, etc. »

Voilà pour les épithètes : sans compter les calomnies venimeuses, les allusions insultantes à l’adresse de ceux qui ne sont pas, en propres termes, qualifiés de canaille, d’idiots ou d’imbéciles.