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Page:Catherine-pozzi-agnes-1927.djvu/57

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« J’ai peur de moi, je suis enfermée en moi. S’il n’y avait que moi avec moi je n’aurais pas peur, j’en suis certaine… Mais il y a toutes ces tendresses… D’où me viennent-elles ?

« J’aime, j’aime, des corps que je n’ai jamais vus

« D’où me viennent-ils ?

« Est-ce que c’est le péché originel ?

« Où sont-ils ? Au fond de ma mémoire ? Mais quelle mémoire ?

« Ils sont au fond de mon corps. Il me semble que j’ai des corps qui ont aimé mon corps, au fond de mon corps. Tout ce qui est doux les appuie contre moi, le vent, le printemps… et me fait sourire… et puis attendre… et puis désespérer.

« J’aime… j’aime… Je n’ai rien fait de mal. Quand un homme est beau et regarde, je regarde ailleurs, et il s’en va.

« Ô qu’il s’en aille, qu’il s’en aille ! Il y a des baisers dans mes mains, dans mon cœur. Qu’il ne me touche pas, je porte Dieu. Je me détourne, l’homme part, je prends l’air fier…