Page:Catulle - Poésies, traduction Héguin de Guerle, 1837.djvu/56

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moi, je crois qu’il en a composé dix mille et plus ; et il ne les écrit pas, comme tant d’autres, sur des tablettes palimpsestes ; mais sur grand papier, son livre est orné d’une couverture neuve, d’un cylindre neuf, de courroies couleur de pourpre ; le parchemin en est réglé à la mine de plomb, et le tout est poli avec la pierre-ponce.. Mais si vous lisez ses vers, ce Suffenus si charmant, si aimable, n’est plus qu’un rustre, un chévrier : tant il est changé et méconnaissable ! À quoi cela tient-il ? Ce même homme qui tout-à-1’heure nous semblait si plaisant, si rompu dans toutes les finesses de la saillie, devient le plus insipide, le plus assommant des lourdauds de village, dès qu’il se mêle de poésie : et pourtant il n’est jamais si heureux que lorsqu’il fait des vers. Il faut voir alors comme il rit dans sa barbe, avec quelle complaisance il s’admire ! C’est ainsi que tous, tant que nous sommes, nous nous faisons illusion à nous-mêmes, et qu’il n’est personne de nous qui n’ait quelque trait de ressemblance avec Suffenus. Chacun à sa manie ; mais nous ne voyons qu’un des côtés de la besace qui est sur nos épaules.

XXIII.

À FURIUS.


Furius, toi qui n’as ni feu, ni valet, ni cassette, ni punaises, faute de lit, ni araignées, faute de maison ; mais un père et une belle-mère dont les dents pourraient broyer des cailloux ; que ton sort est heureux avec un tel père, et avec le squelette qu’il a pour femme ! Faut-il s’en étonner ? Vous’vous portez bien tous les trois, vous